Tequila se bat : Le Conseil de régulation de la Tequila exige de Heineken le respect l’IGP Tequila dans sa bière « Desperados » Madrid, le 11 février 2021.
Il y a deux ans, en 2019, la Commission européenne (CE) reconnaissait la Tequila comme Indication géographique protégée (IGP), ce qui en fit le premier produit mexicain à accéder au plus haut modèle de protection en Europe ; malgré cela, la Tequila doit faire face à plusieurs batailles juridiques dans l’Union européenne pour se défendre contre la société transnationale Heineken , qui depuis plusieurs années utilise de manière abusive et non – autorsée l’indication géographique Tequila, en dénaturant la boisson mexicaine par excellence pour la transformer en goût /saveur ajouté (e) da ns sa bière Desperados. Deux des procédures judiciaires , initiées en 2017, sont actuellement en cours devant les tribunaux d’Amsterdam, aux Pays – Bas, et de Nanterre, en France ; cette dernière avec une décision favorable pour la Tequila.
Début 2020, le Conseil de régulation de la Tequila (CRT), agissant conformément à ses fonctions et à la réglementation mexicaine, et après avoir reçu des preuves démontrant de manière fiable l’utilisation dénaturée de la Tequila, n’a pas été en mesure de délivrer des certificats d’authenticité pour l’exportation de la boisson à l’entreprise productrice qui fournissait une filiale de Heineken, simulant des exportations d’origine conditionnées au consommateur final.
En conséquence, au milieu de l’année 2020, la brasserie néerlandaise, par l’intermédiaire de l’Association des brasseurs européens, a dénoncé le Mexique pour « obstacles techniques au commerce » devant la CE. Cette investigation a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 13 août 2020. Lors de la publication de cette procédure, et dans un acte sans précédent de soutien au gouvernement du Mexique, à la CRT, à la Tequila, et à l’ensemble du système de protection des Indications Géographiques de l’UE, 40 lettres d’associations du secteur des spiritueux et d’organisations et institutions internationales représentant les plus importantes appellations d’origine européennes telles que le Bureau Interprofessionnel du Cognac, la Scotch Whisky Association, Orig en Espagne, le Consorzio Parmigiano Reggiano, pour n’en citer que quelques – unes, ainsi que d’institutions académiques ont été présentées à la Commission européenne en demandant d’être parties concernées dans le processus. Ce conflit ouvre la porte à la contrefaçon de tout autre produit protégé et à la création d’un produit générique.
Une décision défavorable dans cette enquête affecterait la première Indication Géographique Protégée du Mexique, affaiblirait l’ensemble du système de protection et de contrôle des IG et la crédibilité de l’Union Européenne dans ce modèle. Il est prévu que cette procédure d’enquête soit finalisée avant la signature de l’accord de libre – échange modernisé entre l’Union européenne et le Mexi que (ALE UE – Mexique), dans lequel l’UE a demandé, dans le chapitre sur la reconnaissance et la protection de la propriété intellectuelle au Mexique, la reconnaissance de plus de 340 appellations d’origine et indications géographiques dans la région. Pour leur part, les autorités mexicaines, en particulier le ministère de l’économie dirigé par sa directrice Tatiana Clouthier et son équipe, ont exprimé leur plein soutien à la Tequila, s’engageant à joindre leurs efforts pour défendre l’une des icônes de l’identité mexicaine, et à respecter le travail et la tradition d’une industrie composée de 163 entreprises productrices de Tequila, de plus de 19 000 producteurs d’agave et de 70 mille familles mexicaines qui dépendent de cet agrobusiness.
Actuellement, la Tequila est protégée dans 55 pays au total, dont les États – Unis et l’Union européenne, où, en plus d’être reconnue comme Indication géographique protégée (2019), elle bénéficie de l’Accord entre le Mexique et l’UE sur la reconnaissance mutuelle et la protection des appellations d’origine dans le secteur des spiritueux (1997), de l’enregistrement en tant que marque collective « Tequila » auprès de l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne (OMPI) (2008) et d’une protection spécifique en mati ère douanière (2013). Les missions du Tequila Regulatory Council, Le Tequila Regulatory Council ou Conseil de Régulation de la Tequila (CRT) est chargé de vérifier et de certifier le respect des réglementations sur la Tequila, d’assurer au consommateur l’authenticité de la Tequila et de protéger l’AOC au Mexique et dans le monde. Sa mission est basée sur la vérification avec éthique, honnêteté, transparence et impartialité du respect des réglementations applicables à la Tequila, aux produits qui contiennent de la Tequila et de ses matières premières.
Le CRT veille aussi aux spécifications et aux systèmes de qualité, à la protection de l’appellation d’origine, à la fois au Mexique et à l’étranger, à la création de valeur ajoutée et à la confiance dans ses partenaires, clients, collaborateurs, agences et Ministères, pour le bénéfice des consommateurs. Les producteurs de Tequila, producteurs d’agaves, embouteilleurs, spécialistes du marketing et le gouvernement mexicain font partie de cette organisation. De même, ce Conseil est un centre d’information et de service pour l’ensemble de la chaîne productrice, avec l’aspiration de devenir le centre de référence mondial dans la connaissance de l’agave et de la Tequila. Il dispose de quatre bureaux internationaux situés à Madrid en Espagne, à Shanghai en Chine, à Genève en Suisse et à Washington D.C. USA. Le bureau central est situé à Jalisco, au Mexique.
Le 13 mars prochain, c’est l’ensemble de la protection des indications géographiques qui est en jeu
En tant que Directeur Général d’oriGIn, l’Alliance mondiale des indications géographiques et représente 600 associations de 50 pays à travers le monde, je monte aujourd’hui au créneau pour défendre la cause de l’indication géographique Tequila. Le 13 mars 2021, la décision de la Commission européenne dans le litige qui oppose le Conseil de régulation de la Tequila (CRT) et l’entreprise Heineken, impactera d’une manière ou d’une autre, tout le système de protection des appellations d’origine. A travers ce combat, c’est le principe-même de la réglementation européenne actuelle en matière de protection des appellations, qui est en danger. Tolérer l’enfreinte du cahier des charges de Tequila et accepter ainsi un détournement de sa réputation, mettrait potentiellement de nombreuses AOC européennes en danger.
Rappel des faits : il y a quelques années, une marque bien connue de boissons alcoolisées lance une boisson aromatisée à la Tequila pour donner au consommateur le sentiment qu’il apprécie un produit purement mexicain. Le produit devient un best-seller et le consommateur a le sentiment de pouvoir profiter du goût de la véritable tequila, même s’il vit en France. Cependant, la vérité est que cette boisson n’a pas l’autorisation du gouvernement mexicain d’utiliser l’indication géographique de la tequila, et qu’elle n’inclut pas non plus la tequila authentique. Pire encore, la boisson en question transforme de manière irrespectueuse la nature d’un produit aussi emblématique, pour en faire un arôme (une saveur).
Nous disons non à la concurrence déloyale
À notre sens, ce cas doit être vu comme une forme de concurrence déloyale, tel que perçu dans le monde entier. Par conséquent, lorsqu’une entreprise enfreint le cahier des charges pour profiter de la réputation d’un produit reconnu et protégé par sa dénomination d’origine, en plus de nier les efforts de milliers de personnes impliquées dans un produit avec des siècles d’histoire et de tradition, elle met en danger l’ensemble du cadre réglementaire des appellations d’origine et des indications géographiques dans toute l’Europe. Admettre cette situation, équivaut à accepter qu’une dénomination d’origine ne représente pas plus qu’une étiquette qui représente l’origine du produit. La violation, par conséquent, de la réglementation européenne actuelle présente un risque pour l’ensemble du système des appellations d’origine en Europe, et avec cela pour toutes les familles, agriculteurs, producteurs ou travailleurs en général impliqués dans ce processus, en plus de l’effort conjoint des gouvernements.
OriGIN prend fait et cause pour la Tequila
C’est pourquoi notre organisation oriGIn, l’alliance mondiale des indications géographiques qui représente 600 associations de 50 pays à travers le monde, monte aujourd’hui au créneau pour prendre parti pour l’appellation mexicaine.
Notre objectif principal est de garantir que les indications géographiques – un droit de propriété intellectuelle crucial pour le développement des producteurs et des communautés locales – soient pleinement protégées et appliquées par les autorités compétentes dans toutes les juridictions du monde entier.
La présente affaire concerne une société mexicaine, dont la production était contrôlée par le CRT conformément aux lois et règlements mexicains, en vue d’exporter de la Tequila embouteillée au Mexique et commercialisée en tant que telle. Le fait que l’entreprise vendait plutôt de la Tequila en vrac soulève des problèmes fondamentaux pour les indications géographiques. En demandant et en obtenant d’être un parti intéressé dans la procédure, nous voulons nous assurer que les principes de propriété intellectuelle internationalement acceptés, qui se sont développés et se sont répandus dans le monde sous la direction de l’UE, sont pleinement pris en compte par la Commission européenne.
Nous nous permettons donc d’insister sur quelques principes fondamentaux qui sont en jeu dans cette affaire : d’abord, l’intégrité des systèmes de contrôle, qui est un principe crucial de l’accord Mexique / UE de 1997 sur les boissons spiritueuses. Les indications géographiques protégées dans une juridiction donnée – comme la tequila dans l’UE – doivent être utilisées et commercialisées exclusivement dans les conditions fixées par les lois et règlements du pays d’origine. Le Nom-006 mexicain de Tequila nécessite un régime de contrôle spécifique pour le produit à vendre en vrac. Si une autorisation en ce sens n’est pas obtenue par un opérateur, comme dans le cas d’espèce, le CRT a l’obligation, en vertu de la législation mexicaine, de refuser à une telle entreprise l’autorisation de commercialiser le produit. Il n’y a pas ici de question de proportionnalité. Si une entreprise ne respecte pas les règles de contrôle imposées par l’autorité mexicaine, elle ne peut pas vendre le produit sous le nom d’indication géographique (bien sûr, elle peut le vendre sous une dénomination non protégée), car il n’y a aucune garantie de qualité.
Cette considération est strictement liée au deuxième sujet de préoccupation pour oriGIn en l’espèce : les indications géographiques sont des droits de propriété intellectuelle qui profitent aux producteurs pour leurs efforts visant à garantir une qualité spécifique liée à un environnement géographique, ainsi qu’aux consommateurs à la recherche de produits authentiques. La vente d’une indication géographique en vrac nécessite des contrôles et des autorisations spécifiques car son utilisation ultérieure en tant qu’ingrédient doit être encadrée dans un contexte spécifique. Le nouveau règlement de l’UE sur les spiritueux confirme ce principe d’un point de vue général.
Enfin, nous tenons à réaffirmer qu’il n’y a pas de tension entre le libre-échange fondé sur des règles et la propriété intellectuelle. La protection des actifs fondamentaux tels que les indications géographiques et les marques est parfaitement compatible avec le commerce ouvert. Ceci est confirmé par les accords de libre-échange de «troisième génération» conclus par l’UE, qui contiennent tous un chapitre sur la propriété intellectuelle. Nous avons été heureux de voir plusieurs autres membres d’oriGIn exprimer la même position dans le cadre de la procédure d’examen. De même, certaines de ces questions ont été soulevées par le député européen Paolo Da Castro dans une question parlementaire à la Commission européenne à laquelle le commissaire Wojciechowski a répondu plus tôt cette année.
Un débat sur la durabilité
Au-delà des éléments susmentionnés, c’est le principe-même de la durabilité qui est en cause pour nous. Il y a en effet un aspect supplémentaire, qui va au-delà des considérations juridiques et qui concerne le débat sur la durabilité. En d’autres termes, comment établir un nouveau modèle «sociétal» qui assure la croissance économique, sans compromettre les performances environnementales et les principes sociaux. L’UE est à l’avant-garde de ce débat, avec son Green Deal ainsi que sa stratégie de la ferme à l’assiette (F2F) spécifiquement adressées au secteur agricole. L’un des objectifs clés de cette stratégie est de renforcer encore la transparence et la traçabilité de la chaîne alimentaire et des boissons, afin de s’assurer que les consommateurs sont pleinement informés sur la composition, les méthodes et l’impact des produits qu’ils achètent. Si l’on examine la question globale du point de vue de la durabilité, qui est irréversible et sera au cœur de l’élaboration des politiques dans les années à venir, il ne fait aucun doute que toute pratique commerciale qui pourrait faciliter l’induire en erreur des consommateurs quant à la véritable origine ou à la qualité des ingrédients et matières premières utilisés dans les produits transformés, non seulement contrevient aux règles de propriété intellectuelle, mais va à l’encontre des attentes des consommateurs et des principales préoccupations des décideurs.
Le 13 mars prochain, la Commission européenne a beaucoup à perdre ou à gagner selon la position qu’elle prendra. Pour elle, pour l’Europe, mais aussi pour des milliers de familles de producteurs, transmetteurs de savoir-faire ancrés dans des indications géographiques du monde entier. Nous espérons tous qu’elle entendra notre appel.
Massimo Vittori, Directeur Général oriGIn
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